Il ne fallait pas se mentir, la journée avait été plus que merdique. En fait, tout se passait plus ou moins mal pour Kiara en ce moment. Un professeur qui ne cessait de lui demander de revoir et corriger la copie de son projet. Elle n’en pouvait plus d’avoir la tête plonger dedans. Elle n’arrivait plus à penser correctement et il lui semblait avoir exploité toutes les idées potables qu’elle avait de cachées sous sa jolie caboche. Une seule envie la rongeait, prendre le projet tel qu’il était et de le lui lâcher sur le pied « c’est ça et rien d’autre ». Malheureusement, c’était le genre de professeur qui, s’il demandait une correction, c’était en général parce qu’il attendait quelque chose de spécial de l’élève. Ce n’était pas un mauvais enseignant, mais un enseignant exigeant. Pour le coup exigeant, allait de paire avec chiant. Si on devait tout de même aborder cela d’un point de vue positif, cette situation avec son professeur n’était pas la pire. Non. La pire c’était son mariage qui s’effondrait après seulement un an et quelques mois d’existences. Avec le recul, la jeune femme pouvait affirmer que le lune de miel avait duré exactement le temps de la lune de miel, ce voyage que font les jeunes mariés après s’être dit « je le veux » : deux semaines. En épousant son meilleur ami, elle pensait avoir trouvé quelqu'un qui connaissait tous ses défauts et qui était capable de l'aimer avec et de vivre avec eux. Elle-même avait pensé pouvoir vivre avec les siens. Quand elle s'était précipitée dans sa chambre pour le supplier de ne pas épouser sa cousine et qu'elle avait pris son courage à deux mains pour lui avouer ses sentiments, Kiara avait été plus que sincère. Tout était parti de sentiments concrets et authentiques. Comment cela avait pu dégénérer à ce point ? Comme quoi ceux qui vous disent que ce n'est que lorsque l'on se marie qu'on découvre une facette de l'autre que l'on n'avait jamais vu auparavant, ne mentent pas. Et pour le coup, la facette cachée révélée de l'un et de l'autre n'étaient prêtes à faire aucune concession. Il voulait impérativement qu'une fois ses études terminées, elle le rejoigne à Monaco et qu'ils y restent installés pour toujours. La brunette, elle, refusait catégoriquement. Kiara ne souhaitait pas vivre là-bas. Passer des vacances ? Pourquoi pas ! Y vivre un an à trois ans ? Ok ! Y passer sa vie et y écouler ses vieux jours ? JAMAIS ! Ne demandez pas pourquoi, mais la jeune femme ne se voyait tout simplement pas écouler ses jours là-bas. La vie pépère installée ? Non, oh non merci. Et cette envie d'enfant avec laquelle il la rabâchait sans arrêt ? Elle n'était pas prête. Elle était jeune même pas la trentaine, même pas lancée dans la vie professionnelle et il souhaitait déjà la coincer aux fourneaux avec la marmaille. Rien que l'idée lui suscitait une pression dans la poitrine et une boule à l'estomac. Un jour elle aurait peut-être des enfants, mais pour le moment il n'en était pas question. Définition de rejeton : potentiellement chou, mais loin de mes Jimmy Choo!

Et ce sans parler de ce weekend infernal où il était venu pour la voir. C'était ainsi qu'ils procédaient : une fois elle descendait et la fois suivante c'est lui qui montait la voir. Et pendant les vacances universitaires, c'était toujours elle. Logiquement, c'est elle qui aurait dû faire le trajet jusqu'à Monaco, mais aux vues des tensions… Elle avait prétexté ne pas se sentir bien. Alors il avait tout simplement fait le déplacement. Attentionné ? Certainement. Encore plus s'il n'avait pas une fois de plus ouvert toutes les hostilités sur les sujets sensibles. De toute manière, ils étaient incapables de se parler normalement et ne savaient que se déchirer. Les mêmes sujets qui revenaient encore et encore sur le tapis. « Ça suffit !! Ar-rê-te ! Arrête de remettre ça sur le tapis sans cesse! Pourquoi c'est à moi de m'exiler dans le sud ? Et pourquoi t'es aussi pressé d'avoir un môme ? » lui avait-elle lancé d'un ton dont elle n'avait pas réussi à maintenir l'agacement. « ET POURQUOI PAS ? Pourquoi est-ce à moi de me sacrifier pour les volontés et les ambitions de Madame ? J'ai le job de mes rêves dans un emplacement idéal avec des possibilités d'évolutions et des avantages qui me conviennent! Pourquoi est-ce à moi de me sacrifier pour Madame fille de Magnat ? » avait-il criait ne pouvant plus se contenir. « Et alors ? Putain ça fait quoi si je suis la fille d'un magnat ? C'est quoi ton problème avec ça? C'est ce « magnat » comme tu le dis si bien qui t'a payé un toit où vivre ! Cesse de parler de mon père comme ça ou je te jure que.. » sans avoir fini sa phrase, elle avait poussé un cri de rage et l'avait sommé de partir sur-le-champ. Il était arrivé la veille au soir, pour repartir dans l'après-midi du lendemain. Elle avait passé le reste de la journée couchée dans son canapé pour se calmer. Ignorant appels, sms, mail et tout autre type de contact potentiel avec le monde extérieur. Ce n'est que lorsque son ventre cria famine qu'elle se décida à se lever. N'ayant rien préparé, elle s'apprêta et alla pour sortir.

A peine eut-elle ouvert la porte qu'elle se heurta à quelqu'un. Quelqu'un qu'elle connaissait plus que bien. « Dante ? » Elle laissa passer un silence hébété ou elle chercha la dernière fois qu'elle avait vu ou parlé à son ami. Cela ne devait pas être compliqué de se souvenir de la dernière fois que l'on avait croisé le chemin d'un beau brun séduisant, d'âge mûr, aux yeux ébènes et sombre ? Si ? Pourtant, avec toute la confusion portée par les évènements de la journée, elle ne saurait dire. Ses bonnes manières lui revenant finalement, elle fit signe à son ami d'entrer et remarqua au passage le regard désapprobateur de sa voisine du dessous qui en rentrant chez elle avait à priori décidé de monter quelques marches de plus afin de guetter une fois encore la vie privée de notre belle demoiselle. Elle eut droit en retour à un regard assassin et à un claquement de porte au nez en bonne et due forme. Une fois cela fait, elle se retourna vers son invité surprise et lui demanda la mine un peu défaite de l'hôte pris de court « Quelle surprise! Que fais-tu ici ? On avait convenu d'un rendez-vous ? » Une suite de questions qui sortaient pratiquement toutes seules de sa bouche. "Désolée… je m'en souviens plus… J'ai… J'ai la tête un peu ailleurs. » Elle ne savait que dire, incapable de se rappeler si c'était programmé ou pas. Elle ne put que s'excuser.